Poésie - Les Colchiques, Apollinaire

(actualisé le )

 Le pré est vénéneux mais joli en automne
 Les vaches y paissant
 Lentement s’empoisonnent
 Le colchique couleur de cerne et de lilas
 Y fleurit tes yeux sont comme cette fleur-là
 Violâtres comme leur cerne et comme cet automne
 Et ma vie pour tes yeux lentement s’empoisonne

 Les enfants de l’école viennent avec fracas
 Vêtus de hoquetons et jouant de l’harmonica
 Ils cueillent les colchiques qui sont comme des mères
 Filles de leurs filles et sont couleur de tes paupières
 Qui battent comme les fleurs battent au vent dément

 Le gardien du troupeau chante tout doucement
 Tandis que lentes et meuglant les vaches abandonnent
 Pour toujours ce grand pré mal fleuri par l’automne

Guillaume Apollinaire, Alcools.